di C. Fabre
da Le Monde - 11 luglio 2008
On ne lira dans cet ouvrage ni slogan ni formule de calcul pour l'assurance-chômage des artistes et des techniciens du spectacle. Il ne s'agit pas non plus d'un "retour sur" la lutte menée depuis la réforme de juin 2003, entre manifestations et annulations de festivals. Intermittents et précaires rend compte d'une enquête menée sur les conditions de travail de tous ces professionnels du spectacle qui alternent périodes d'emploi et de chômage, au fil des projets qu'ils mènent pour le compte de leurs (multiples) employeurs.
Les auteurs en tirent une réflexion prospective sur la notion de travail : tel une avant-garde, le mouvement des intermittents remet en cause le couple binaire emploi-chômage et nous invite à reconstruire les bases de la protection sociale, nous disent Antonella Corsani, chercheuse de l'équipe Matisse du centre d'économie de la Sorbonne et cofondatrice de la revue Multitudes, et Maurizio Lazzarato, philosophe.
De l'automne 2004 au printemps 2005, une enquête avait été menée par l'équipe de chercheurs Isys (composante du Matisse de Paris-I et du CNRS) à la demande de la Coordination des intermittents et précaires et avec le soutien de la région Ile-de-France. A l'époque, la presse avait critiqué la méthode au motif que des intermittents eux-mêmes participaient à cette étude auprès d'économistes, de sociologues, de statisticiens. Les auteurs défendent leur "expertise citoyenne" qui fait coopérer spécialistes et profanes. Une méthodologie qui interroge les relations entre "savoir, pouvoir et action", expliquent- ils, comme l'ont pratiquée Michel Foucault ou encore Pierre Bourdieu dans son enquête sur La Misère du monde (Seuil, 1993).
Ces précisions faites, les auteurs dressent un tableau inquiétant de l'intermittence. Ou comment la fabrication des spectacles, de documentaires, etc., obéit de plus en plus à une logique de rentabilité, dans un univers où il n'y a "que des cas particuliers": ainsi, le temps de travail sera scrupuleusement comptabilisé dans les secteurs fortement syndiqués ou, au contraire, déclaré de manière forfaitaire, à charge pour le "porteur de projet" de négocier au mieux son cachet.
Sans parler de la variabilité des salaires journaliers ni de la stagnation des revenus, voire de leur baisse depuis dix ans. Certains - des réalisateurs, mais aussi des compagnies de théâtre travaillant au sein d'une collectivité locale - reconnaissent travailler "à la commande". Comme s'ils répondaient à la demande d'un client, ce qui interroge la notion de création. La réduction des budgets et des temps de production impose aux compagnies de réorganiser le travail autour des postes jugés indispensables. L'artistique perd du terrain face à la communication, le nerf de la guerre étant la diffusion des spectacles, dans un contexte très concurrentiel...
Loin des auteurs l'idée que l'intermittence serait à bannir. Au contraire. N'en déplaise aux syndicats, disent-ils, l'emploi stable à vie n'est pas "souhaité et souhaitable par tous". "L'intermittence, sous certaines conditions, est bien cette possibilité pour tout un chacun de garder la maîtrise du temps, de ses intensités (...). Une liberté de mener des projets hors des normes de l'industrie culturelle et du spectacle et, enfin, last but not least, une arme fondamentale dans la négociation des salaires et des conditions de travail", soulignent Antonella Corsani et Maurizio Lazzarato dans le dernier chapitre. Observant que d'autres professions intellectuelles partagent avec les intermittents des pratiques communes, ils appellent à une réflexion sur "un nouveau statut du travail et sur de nouveaux droits sociaux". Stimulant et revigorant.
Intermittents et précaires, d' Antonella Corsani et Maurizio
Lazzarato. Ed. Amsterdam, 232 pages, 18 €
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